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Programmes d'expérimentation

SEMIOMOUCHE

Développer des stratégies de luttes innovantes contre la mouche du brou directement applicables en vergers de noix.

Date de début : 01/01/2021

Durée : 36 mois

Objectifs du projet

  • Développer une stratégie de lutte par confusion sexuelle

  • Développer une stratégie de lutte par piégeage de masse

Résumé

La mouche du brou du noyer, Rhagoletis completa, est une espèce américaine ayant envahi l’Europe depuis une vingtaine années. Elle est rapidement devenue le ravageur numéro un des productions de noix en France. La législation européenne sur les pesticides et la demande sociétale poussent les filières à se tourner vers des solutions alternatives. Une collaboration de 4 années impliquant le Ctifl, la SENuRA et l’Université de Liège (Belgique) a permis de jeter les bases scientifiques nécessaires au développement d’une stratégie de lutte biologique contre cette mouche. En effet, une phéromone sexuelle composée de 4 molécules de type lactones a été identifiée comme jouant un rôle primordial dans la reconnaissance mâle/femelle.

Résultats

Le manque de connaissances sur l’élevage de l’insecte cible, la détection et le rôle biologique de la phéromone (agrégation, sexuelle, autre) et les conditions sine-qua-none de réponse des insectes à celle-ci ont amené à un recentrage du projet sur ces points clefs fondamentaux et nécessaires à la mise en place des stratégies de lutte initialement ciblées.

La 1ère année du projet s’est centré sur la caractérisation du profil odorant du brou de noix par prélèvement d’odeur sur fruits au verger. 5 variétés (Franquette, Fernor, Feradam, Ronde de Montignac et Bijou) ont été sélectionné dans ce but, offrant à la fois un constat sur les subtilités inter-variétales, mais également un profil odorant généraliste du fruit. Au total, 9 COVs (composés organique volatiles) du brou ont été identifiés comme « universel ». Odeur de plante et phéromone fonctionnant en synergie chez de nombreux insectes, ces données fondamentales sont donc essentielles dans la compréhension du comportement de Rhagoletis completa, et le développement de protocole de laboratoire performant permettant de le tester finement. Ces données offrent également une porte d’entrée vers l’utilisation de kairomone, soit les odeurs du brou attractives pour R. completa, et utilisable en piégeage de masse, plutôt dans une futur stratégie « push and pull ». Lors du 1er bilan annuel, le manque de matériel biologique (insecte) au laboratoire a été pointé comme frein majeur, mettant le développement de l’élevage comme priorité immédiate pour la poursuite du projet.

La 2nde année s’est donc principalement concentrée sur l’élevage de laboratoire, et notre capacité à obtenir, amplifier et garder une population de mouche du brou nécessaire aux expérimentations en milieu contrôlée toute l’année. L’élevage complet (de l’œuf à l’adulte) étant actuellement inopérant en l’absence de brou, plusieurs pistes ont été explorées avec des objectifs à court et long terme. Devant la faible pression du ravageur au terrain, et donc la difficulté à obtenir des insectes sauvages, un protocole d’amplification a été mise en place. La ponte des adultes (issus des pupes du terrain) sur brou coupés en cage a donné très de bons résultats en laboratoire, permettant d’obtenir plusieurs milliers de pupes au cours d’une saison. Ces pupes, d’abord placées au frigo pour simuler la diapause hivernale, sont ensuite mises à émerger à température ambiante tout au long de l’année pour les besoins expérimentaux. En parallèle de ce progrès, une large analyse nutritionnelle du brou (variété Franquette) a été conduite afin d’approfondir les connaissances sur la diète naturelle de la larve de la mouche. Ces analyses ont fait l’objet d’une publication scientifique sous la forme d’une communication courte (Travaillard and Verheggen, 2024). Outre la composition de la diète larvaire, le problème de la ponte sur substrat artificiel a également été adressé lors d’un stage par une étudiante de M1. En s’appuyant sur la littérature, elle a réalisé de nombreux tests de ponte pour déterminer les stimuli (forme, couleur, goût) d’intérêt pour la ponte des femelles, confirmant la possibilité d’obtenir des œufs même en absence de brou. Enfin, grâce au nouveau réservoir d’insectes obtenu par amplification en cage, les premiers essais comportementaux ont pu débuter au laboratoire, avec pour objectif la mise en place d’un protocole pour tester l’attraction de la mouche pour la phéromone. Dans l’optique de se rapprocher des conditions du verger, de nouveau prélèvement d’odeur de brou ont également été réalisés pour mise en collection sous forme d’extraits liquides. Ces extraits seront ensuite utilisés en « fond odorant » des essais comportementaux pour recréer artificiellement l’odeur du verger en fruit.

La 3ème et dernière année s’est focalisé principalement sur la phéromone, avec pour objectif d’outrepasser les difficultés de réponse de la mouche en condition contrôlée. Après de nombreux tests de système expérimentaux, le système stimulant au mieux la mobilité de l’insecte a été retenu pour les expériences sur la phéromone. En amont de ces expériences, des enregistrement EAG (électroantennographie) ont permis de déterminer que les antennes des mâles et des femelles détectaient 3 des 4 molécules composant la phéromone, et que l’intensité de détection était dépendante de la molécule. Les essais comportementaux, malgré une bonne mobilité des insectes et un « fond odorant » de brou, n’ont pas permis de mettre en évidence de manière certaine l’attraction (voire la répulsion) pour ces molécules, seules ou en mélange. Les conditions spécifiques de réponse à la phéromone restent donc à élucider. Ces résultats feront l’objet d’une publication scientifique prochainement, conjointement avec ceux présentant la caractérisation moléculaire de la phéromone. Enfin, les essais sur l’optimisation de l’élevage se sont achevés par le stage d’un étudiant de bachelier (Belgique) sur le développement larvaire. En s’appuyant sur des travaux de thèse existants (Ciociola, 1982), il a pu recréer 3 diètes artificielles prometteuses pour le développement de la mouche. Sur ces 3 diètes, une a donné des résultats encourageants en permettant le développement complet de la larve jusqu’à l’adulte. La fertilité de ces adultes et la viabilité de leur descendance reste néanmoins à confirmer.

Persepctives

Bien que le projet n’ait pu entièrement répondre à ses objectifs initiaux, de nombreux progrès ont été réalisés tant au niveau technique (élevage) qu’en termes de connaissance fondamentales (caractérisation du brou et de la phéromone) sur la mouche du brou. En particulier, la caractérisation de la détection antennaire des molécules de la phéromone ouvre de nouvelles perspectives pour les essais au terrain, en permettant de cibler plus finement les modalités d’intérêt à tester (molécule seule ou mélange) et d’envisager un piégeage des deux sexes, plutôt qu’une confusion sexuelle. Le dépôt d’un nouveau projet s’inscrivant dans la continuité de SEMIOMOUCHE permettra d’amener ces résultats vers une application au verger à la fois optimale et pertinente dans la lutte contre la mouche du brou.

Références

Ciociola, A.I. (1982) Larval nutrition of the Walnut Husk Fly, Rhagoletis completa Cresson (Diptera: Tephritidae). University of California. Available at: https://www.proquest.com/openview/45eb704f38ab7af6e4c9c8ba85ca1314/1?cbl=18750&diss=y&loginDisplay=true&pq-origsite=gscholar# (Accessed: 18 August 2022).

Sarles, L. et al. (2018) ‘Improving the Monitoring of the Walnut Husk Fly (Diptera: Tephritidae) Using Male-Produced Lactones’, Journal of Economic Entomology, 111(5), pp. 2032–2037. Available at: https://doi.org/10.1093/jee/toy169.

Travaillard, S. and Verheggen, F. (2024) ‘Nutritional content of the Green Walnut (Juglans regia L.) Husk, the natural host of the Walnut Husk Fly (Rhagoletis completa)’, Entomologia Generalis, pp. 1351–1354. Available at: https://doi.org/10.1127/entomologia/2024/2653.

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